« Manger à la mode dans le Sud-Ouest de la France au XVIIIe siècle. Les formes et les conditions d'un choix culturel. », Papilles, 28, 2006, pp. 33-50
Main Author: | Frédéric Duhart |
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Format: | Article eJournal |
Bahasa: | fra |
Terbitan: |
, 2006
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Subjects: | |
Online Access: |
https://zenodo.org/record/2542595 |
Daftar Isi:
- Entre Paris et Versailles, diverses modes alimentaires, qui touchent tant à l’art culinaire qu’à la reconnaissance particulière de divers produits, éclosent et prospèrent dans le courant du XVIIIe siècle ; l’adoption de celles-ci dans les provinces du royaume éloignées de ce centre confine à l’exercice d’un arbitraire culturel (De Garine, 1979). La diffusion de ces modes participe du bon goût alimentaire, aussi l’irrationalité qu’elle peut engendrer ne se traduit-elle guère dans la sphère nutritionnelle mais par un coût économique voire, avec certaines denrées, par une dimension ostentatoire de la consommation. Le prix des denrées distinguées, la médiation du livre ou le recours nécessaire aux talents d’artisans très spécialisés font que la propagation des modes alimentaires reste pour l’essentiel cantonnée aux cercles qui disposent d’une réelle aisance financière ; ces élites au palais curieux présentent par delà ce point commun une assez grande diversité dans le vaste sud-ouest de la France puisqu’elles y vivent dans des cités importantes (Bordeaux qui compte au début du siècle quelques quarante-cinq mille habitants est devenu à la veille de la Révolution l’une des premières villes du royaume avec plus de cent mille âmes, tandis que Toulouse qui compte à peu près autant d'habitants à l’aube du siècle, abrite environ cinquante-deux mille citadins au terme de l’Ancien Régime), des villes moyennes telles que Bayonne ou Agen dont la population oscille entre dix et quinze milles habitants, de petites cités ou de gros bourgs commerçants mais aussi dans des terroirs ruraux fort variés, d’où elles entretiennent souvent, par le jeu de différents réseaux de sociabilité des relations avec le monde urbain. De cette diversité procède l’existence de sources variées pour une étude de la relation de ces élites méridionales avec les modes alimentaires : aux menus conservés dans les comptabilités des corps de ville, aux comptes des évêques, s’ajoutent de nombreux livres de raison (dont la qualité varie autant que les origines géographiques), diverses formes d’inventaires, précieux pour l’étude de la diffusion de la littérature culinaire et celle des différents vins, ou encore quelques correspondances, des annonces de commerçants, etc. L’attrait des élites du sud-ouest de la France au XVIIIe siècle pour les modes alimentaires offre un riche objet de réflexions dans le cadre d’une interrogation de la relation entre la consommation alimentaire et l’arbitraire culturel : ce cas, éloigné de nous par ce que Fernand Braudel (1979) nomme une « affreuse distance », est exemplaire d’un comportement dépendant de l’arbitraire culturel tout en montrant la complexité de ce dernier : la concrétisation de la curiosité à l’égard des modes gourmandes n’étant possible que par la mise en place d’un faisceau d’échanges, économiques, techniques et humains. Après un examen des différents types de modes alimentaires, nous considérerons les différents processus qui sous-tendent leur diffusion.